Mémoires, Béate et Serge Klarsfeld



L'histoire : Il s'agit d'un couple mythique dont on connaît tous les combats menés durant leur vie. Ce que l'on connaît moins en revanche, c'est leur personnalité, leur histoire, leurs pensées. Chose réparée avec cet ouvrage autobiographique. On ne le sait pas, mais leur vindicte n'est pas venue d'un seul coup. C'est un long processus, un cheminement de la conscience : d'abord l'incrédulité devant l'impunité des nazis, la prise de conscience, ce besoin d'agir, puis le passage à l'acte.

Les époux Klarsfeld ont accepté de mettre par écrit, chacun de leur côté, une version concentrée de leurs années de lutte. Cette lutte se concentre sur la contestation systématique du pouvoir politique, économique et judiciaire des anciens dirigeants SS en Allemagne alors qu'elle se trouve divisée (RFA/RDA). Ces combats les ont menés dans le monde entier, leur ont fait accomplir des gestes incroyables (opérations coup de poing destinées à faire bouger l'opinion), leur ont aussi fait connaître la prison et les menaces de mort. Le point de vue alterné de l'un et de l'autre nous permet de dissocier ce couple mythique qui fait cause commune mais mène chacun sa barque : d'abord Beate qui apprend et assume l'histoire de son pays d'origine, puis Serge qui mène une carrière d'historien, puis se tourne vers une carrière juridique afin de pouvoir plaider lui-même contre les nazis.

Quatrième de couverture : Leur couple est une légende, leur biographie une épopée. Pourtant, rien ne prédestinait cette fille d'un soldat de la Whermacht et ce fils d'un juif roumain mort à Auschwitz à devenir le couple mythique de "chasseurs de nazis" que l'on connaît.
Leur histoire commence par un coup de foudre sur un quai du métro parisien entre une jeune fille au pair allemande et un étudiant de Sciences Po. Très vite, avec le soutien de Serge, Beate livre en Allemagne un combat acharné pour empêcher d'anciens nazis d'accéder à des postes à haute responsabilité. Sa méthode : le coup d'éclat permanent. Elle traite ainsi de nazi le chancelier Kurt Georg Kiesinger en plein parlement, puis le gifle en public lors d'un meeting à Berlin, geste qui lui vaut de devenir le symbole de la jeune génération allemande. Leur combat les conduit aux quatre coins du monde. En France, ils traînent Klaus Barbie devant les tribunaux et ont un rôle central dans les procès Bousquet, Touvier, Leguay et Papon. Ni les menaces, ni les arrestations - notamment lors de leur tentative d'enlèvement de Kurt Lischka, ancien responsable de la Gestapo - ne parviennent à faire ployer un engagement sans cesse renouvelé jusqu'à aujourd'hui.
Dans cette autobiographie croisée, Beate et Serge Klarsfeld reviennent sur quarante-cinq années de militantisme, poursuivant par ce geste leur combat pour la mémoire des victimes de la Shoah.

Mon avis : J'ai pris plaisir à explorer l'histoire derrière l'Histoire et à découvrir les premiers articles de Beate retranscrits dans le livre. On y retrouve la fraicheur, la naïveté des années 1960' de cette jeune allemande qui découvre l'histoire de son pays. Quant à Serge, son histoire personnelle et le charisme de chacun des membres de sa famille nous aspire dans un tourbillon d'émotions. 
A mes yeux, il est important de retracer la genèse de leur combat pour ne pas oublier, pour ne pas laisser l'histoire recommencer. Je ne vais pas vous parler de la montée du FN, de la haine sociale et raciale, du rejet des réfugiés.
L'épilogue en ce sens est particulièrement intéressant et explique selon moi toutes les strates du devoir de mémoire. Quel héritage pour les générations futures ? Devons-nous considérer que tout est histoire ancienne et tourner la page ? Aller de l'avant ? Même si nous parlons beaucoup de la Shoah, nous n'oublions pas les autres génocides, n'en diminuons pas l'importance. Seulement, celui des juifs durant la Seconde Guerre Mondiale a été le plus vaste en terme de victimes (6 millions) et de territoire (une bonne partie de l'Europe) avec la complicité du gouvernement français. Cela nous conduit également à réfléchir sur la nature humaine : l'Homme est-il mauvais ? Vaste sujet. Je vous laisse le soin d'y réfléchir.

Pour aller plus loin : Pour continuer dans cette direction, ce devoir de mémoire et rendre hommage à toutes les victimes du génocide juif, je vous suggère de visiter le Mémorial de la Shoah. Dès l'entrée du musée, les noms des victimes figurent sur le mur éponyme, nous plongeant instantanément dans une attitude de respect et de consternation. Ces grands murs de marbre retranscrivent toute l'horreur de ce massacre. Il s'agit d'un musée du souvenir, où sont entreposées des archives, des témoignages de ce que signifiait être juif pendant la Seconde Guerre Mondiale. Tout cela a vraiment existé, il est bon de se le rappeler par des objets et non pas seulement par des livres d'histoire qui ont tendance à nous faire prendre de la distance et à annihiler le côté humain.

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Cet article fait tristement écho à l'actualité. Il s'agissait d'un article prévu depuis longtemps. Cela nous prouve une fois de plus que l'horreur fait belle et bien partie de notre vie. A chacun sa manière d'y répondre.

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