Bonjour tristesse, Françoise Sagan

Résumé : Cécile, son père, Raymond et Elsa, sa compagne, ont loué pour l'été une villa sur les hauteurs de St Tropez. Cécile ne connait de l'amour que les baisers furtifs. Elle entretient une relation fusionnelle avec son papa, surtout depuis qu'elle a quitté le pensionnat. Elsa, la dernière conquête en date, jeune et mondaine, vient troubler cette connivence et leur mode de vie, fait de soirées et de moments distrayants. Malgré tout, l'été s'annonce radieux. Mais, c'était sans compter sur l'intrusion soudaine d'Anne, qui vient également passer ses vacances avec eux. Plus âgée et plus ancrée dans la vie, elle jette son dévolu sur Raymond et celui-ci ne tarde pas à succomber à ses atouts. Mais, Cécile voit d'un très mauvais œil cette nouvelle relation, d'autant plus qu'elle-même rencontre Cyril, un jeune homme de 26 ans qui devient rapidement son amant... L'été s'annonce torride...
Bonjour tristesseUn drame se noue, irrémédiablement, dont Cécile est à l'origine; qu'elle pourrait, si elle le voulait, éviter, mais elle est trop curieuse,  trop détachée, observatrice telle un écrivain le serait, pour mettre fin à la machine implacable. Un brin capricieuse et immature - mais elle n'a que dix-sept ans après tout! - elle ne peut imaginer l'intrusion d'Anne dans leur vie à elle et son père, vie faite de plaisirs et d'imprévus. Pourtant elle aime Anne, l'admire plus que tout, et a besoin, sans vouloir l'admettre, de son calme, sa constance.


Quatrième de couverture : La villa est magnifique, l'été brûlant, la Méditerranée toute proche. Cécile a dix-sept ans. Elle ne connaît de l'amour que des baisers, des rendez-vous, des lassitudes. Pas pour longtemps. Son père, veuf, est un adepte joyeux des liaisons passagères et sans importance. Ils s'amusent, ils n'ont besoin de personne, ils sont heureux. La visite d'une femme de cœur, intelligente et calme, vient troubler ce délicieux désordre. Comment écarter la menace ? Dans la pinède embrasée, un jeu cruel se prépare.
C'était l'été 1954. On entendait pour la première fois la voix sèche et rapide d'un "charmant petit monstre" qui allait faire scandale. La deuxième moitié du XXe siècle commençait. Elle serait à l'image de cette adolescente déchirée entre le remords et le culte du plaisir.

Mon avis : Comme celle de tout grand auteur, cette prose peut lasser, agacer certains lecteurs et, bien sûr, en ensorceler d’autres, mais un constat s’impose : Françoise Sagan possède un style original. En dehors du succès commercial et sociétal du roman par la suite, il reste de Bonjour Tristesse un écrit extrêmement mature et dense, où la simplicité de lecture ne doit jamais faire oublier l'essentiel : l'instabilité des sentiments. Il n'est question que de ce rapport périssable dans ce livre d'une douce et rare justesse quand on parle des amours.  Bien sûr, nous lisons aujourd'hui des choses d'autant plus percutantes, mais ce qui est impressionnant, c'est le fait qu'il fut publié dans les années 50, moment où les mœurs sexuelles n'étaient pas très ouvertes encore. Le texte est frivole et nous fait considérer l'énorme courage de l'écrivain qui n'était âgée que de dix-neuf ans à l'époque.
Un roman qui met en évidence un univers visuel cinématographique avec son jeu d'ombres et de lumière, alternance de longues journées ensoleillées et paresseuses et de courtes nuits mystérieuses et propices aux aventures. Comme la narratrice, Cécile, dont l'ambivalence se manifeste au fil de la lecture par ses pensées contradictoires. Elle revendique sa liberté d'adolescente : "la liberté de penser, et de mal penser et de penser peu, la liberté de choisir moi-même ma vie, de me choisir moi-même. Je ne peux pas dire « d’être moi-même » puisque je n’étais rien qu’une pâte modelable, mais celle de refuser les moules". Bonjour Tristesse la dépossède sa narratrice de toute forme de personnalité, pour en faire une feuille vierge, qui superpose la haine et l'amour (et toutes ses nuances) en fonction des rebondissements présentés dans le livre. D'une page à l'autre, elle va haïr puis profondément apprécier une personne. Elle encensera durant cent pages un tel, pour finalement nous avouer tout le contraire avant de nous laisser sur ces deux mots tellement puissants : "Bonjour Tristesse". Car si l'explication arrive un peu tard, on comprend finalement que le titre est en total accord avec l'essence même de ce que Françoise Sagan veut déterminer : l'incertitude au plus profond de nous. Bonjour Tristesse n'est pas une banale histoire entre une adolescente au désir d'émancipation et de son père infidèle, c'est avant tout la rencontre d'une jeune femme avec elle-même et de son miroir.
Un roman résolument moderne dont le seul manifeste de son époque reste ce vouvoiement qui ondoie parmi les dialogues comme une caresse, malgré sa date de parution et le jeune âge de Françoise Sagan à sa parution.

Résultat de recherche d'images pour "les jeunes filles en fleurs proust"Pour aller plus loin : On pourrait comparer la trame du roman à celle de ces films de Rohmer, qui ne parlent que d'une chose : la confrontation d'une idée à la réalité, et la vanité de l'intelligence quant à sa puissance sur le corps. Cécile, intellectualise ce qu'elle fait (elle écrit même un roman !) mais n'échappe pas aux affres de son inexpérience. Et sa sensualité inféconde reste indétrônable, n'en déplaise aux intellectuels rancuniers qui préféreraient la voir lire Bergson, alors que ce n'est clairement pas dans ses priorités de jeune fille. Bonjour Tristesse est un Conte Moral vu de l'intérieur.
D'ailleurs un des traits de caractère du personnage de Cécile n'est pas sans rappeler celui de Proust : son affinité avec la paresse et la contemplation, sans doute liée à son mode de vie bourgeois, cette maudite passivité dans la jeunesse... Même si personnellement je ne suis pas une fan de la première heure de cet auteur classique, qui dans sa vie n'a pu écrire d’œuvre qu'au passé, et basé sur le regret d'une vie contemplée sans être vécue avec discernement. Et si la voix de la bonne conscience est extérieure à Cécile dans le roman (Anne), elle est intérieure chez Proust : dans les deux cas celle-ci est impérieuse mais insuffisante.

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