Le cimetière de Prague, Umberto Eco
Quatrième de couverture : De Turin et Palerme à Paris, nous croisons des hystériques, des
satanistes, des escrocs, un abbé qui meurt deux fois, des cadavres dans
un égout, des jésuites complotant contre des francs-maçons, des
confraternités diaboliques et des carbonari étranglant des prêtres. Nous
assistons à la naissance de l’affaire Dreyfus et à la fabrication des
Protocoles des Sages de Sion. Nous prenons part à des conspirations, aux
massacres de la Commune et à des messes noires…
Tout est vrai dans ce
savoureux feuilleton, à l’exception du principal narrateur, Simon
Simonini, dont les actes ne relèvent cependant en rien de la fiction.
Trente ans après Le Nom de la rose, Umberto Eco nous offre le grand
roman du xixe siècle secret.
Mon avis : L’ouvrage est illustré, à l’instar des feuilletons d’autrefois. Ces
images sont des documents d’époque, et pourraient ainsi éveiller une
certaine nostalgie chez le lecteur désireux de retrouver les livres de
sa jeunesse. On peut d'ailleurs considérer deux types de lecteurs : d’abord celui qui n’a aucune idée que ces événements ont réellement eu
lieu, qui ne connaît rien à la littérature du dix-neuvième siècle (Umberto Eco est fantastique, digne d'un Zola dans ses descriptions du petit peuple) et
qui, donc, a pris Dan Brown pour argent comptant et se délectera avec
une satisfaction sadique de ce qu’il pensera être une invention
perverse, ce qui vaut également pour le personnage principal, assez exécrable et antipathique (faussaire, antisémite, misogyne, il a toutes les qualités). Il y a aussi le lecteur plus instruit, celui qui sait, ou du moins se
doute, que des faits sont avérés. Conspiration ou crainte d'une autre guerre de religion, ce roman est d'autant plus d'actualité.S i vous n'aimez pas la grande littérature, celle des écrivains du XIXème siècle, vous n'aimerez pas. Pour les autres, vous vous régalerez, comme moi. Umberto Eco, ce grand monstre de la littérature contemporaine, fait montre d'une grande culture sur la vie parisienne et bien sûr, sur l'Italie de Garibaldi. Une érudition fort bien documentée : le Risorgimento (mouvement pour l'unification du Royaume d'Italie) et
la Commune de Paris (1870). S'il faut caractériser en un seul mot le
contexte intellectuel, il s'agit de la résurgence massive de
l'antisémitisme en Europe, avec la diffusion de la phobie du "complot
judaïco-maçonnique mondial", créée ou alimentée par deux célèbres faux
historiques : le Protocole des Sages de Sion et, comme épilogue, le
bordereau Dreyfus. Entre parenthèses, une lecture psychanalytique à
plusieurs niveaux du protagoniste, de son dédoublement et aussi de son
antisémitisme, est possible, grâce à un savoureux clin d'oeil au Juif
autrichien ("ou allemand, c'est pareil" !) le docteur Froïde,
consommateur de cocaïne...
Pour aller plus loin :

Adolf Hitler y fait référence dans Mein Kampf comme argument justifiant à ses yeux la théorie du complot juif et en fait ensuite l'une des pièces maîtresses de la propagande du Troisième Reich. Il est devenu aujourd'hui tout à la fois une figure emblématique de l'antisémitisme et de la falsification.
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