Les affinités électives, Goethe
Quatrième de couverture : Dans cette situation sans espoir, que servirait-il de rapporter les efforts de toute sorte dont s'étourdirent Edouard, l'épouse, l'ami, le médecin ? Enfin on le trouva mort... Ce coeur, en proie naguère à une agitation sans bornes, avait trouvé un imperturbable repos ; et, comme il s'était endormi en pensant à une sainte, on pouvait sans doute le qualifier de bienheureux. Charlotte lui donna sa place auprès d'Odile, et ordonna que personne ne serait plus déposé dans ce caveau.
Les amants reposent donc l'un près de l'autre. La paix flotte sur leur sépulture. De la voûte, les fraternelles image des anges abaissent sur eux la sérénité de leurs regards, et qu'il sera aimable l'instant où ils se réveilleront ensemble !
Mon avis : La lecture de ce roman peut se faire à plusieurs degrés : divertissante (une banale histoire d'amour et d'adultère avec un chassé-croisé de deux couples), sociologique et culturelle (une description de la Prusse au XIXème siècle) et philosophique (plusieurs questions s'articulent autour de l'opposition cœur/raison et nature/culture). La préface de Michel Tournier en résume parfaitement les différents aspects : le tableau de la société aristocratique d'une principauté allemande au début du XIXème siècle. A travers la description de ces mœurs, Goethe interroge le concept du mariage, lui qui y était opposé et qui n'y a cédé que sur le tard, après une expérience de mort imminente. En ce sens, le personnage de Courtier, ancien pasteur, se fait l'ardent défenseur des liens sacrés du mariage et s'oppose aux conceptions plus libertines et notamment à celle du "mariage test" que représenteraient Charlotte et Édouard (mariés en secondes noces) et qui auraient conclu comme un "CDD" en attendant leur troisième union qui elle, serait la "bonne". Les amants retrouveraient donc une place légitime aux yeux de la société. Conception qui serait admise si le divorce l'était. Or, dans cette société bien-pensante, la religion occupe une place importante.
Dans la seconde partie du roman, l'amour sacré est lié au culte des morts (notons que lorsque Goethe commence la rédaction du roman, sa mère décède). Le pendant angélique d'Odile (image littérale de la Vierge Marie) opposée à la figure démoniaque de Lucienne dont les mondanités et la superficialité semble méprisée de l'auteur. Ici, il évoque les lois profondes qui dictent les sentiments, quasi irrationnels. On ne peut comprendre ou nier les sentiments amoureux. Le cœur, opposé à la raison ? Quelle est la portée de cette histoire d'amour ? Un banal conflit entre le devoir conjugal et l'amour adultère, sentiment éphémère ? Il ne s'agit pas que d'un débat sur le mariage mais d'un roman qui s'interroge sur l'Amour comme sentiment chimique, un sentiment fatal qui conduit à une destinée tragique, qui conduit toujours au malheur et à la mort. Ceci dit, le lien entre Éros et Thanatos est souligné par la parabole de l’Étrange Histoire, mise en abîme de l'intrigue des protagonistes. C'est là qu'intervient le concept de nature et de culture. L'éducation joue un rôle primordial dans les romans de l'époque en mettant en garde les jeunes filles des dangers occasionnés par des passions trop violentes comme dans l'Éducation sentimentale de Gustave Flaubert. La nature, c'est l'incontrôlable mouvement du cœur quant l'institution du mariage représente la société, une structure qui s'efforce de mettre bon ordre à la nature de l'homme. Goethe ainsi rapproche ce que la culture a réussi, notamment avec la notion de sainteté du mariage chrétien à la contre-nature de l'homme avec son inconstance habituelle. L'adultère paraît ainsi d'autant plus "naturel" au vu de ces éclaircissements. La nature est imprévisible, tout comme l'homme dans son évolution : tout
est affaire d'occasion puisque la vie est une affaire de rencontres
interpersonnelles ou intersubjectives. En somme, l'homme n'a pas d'identité stable ou définitive. C'est ce que nous dit Goethe à
travers son roman. Il nous montre aussi l'impuissance de la raison à
anticiper et à endiguer le cours des affinités passionnelles. Ce huit-clos amoureux plaira à tous les romantiques.
PS : A l'heure où cet article sera publié, je serai mariée ^^ J'espère bien que cette première fois sera la bonne ! Les articles enrobés de rose poudré vont donc se faire moins nombreux ;)
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