Le Horla, Guy de Maupassant
Résumé : Pendant une bonne partie de sa vie, Maupassant a été sujet à des peurs, des hallucinations et des crises d'angoisse, et pense à la folie. Dans La Peur,
il explique justement «On n'a vraiment peur que de ce qu'on ne comprend
pas». Il suit les cours du Dr Charcot, sur les maladies du système
nerveux. C'est ce qu'il relate dans le Horla dont la première version date de 1886. La seconde est parue un an plus tard, plus étoffée et par épisodes comme cela se faisait souvent.
Quatrième de couverture : 8 mai. — Quelle journée admirable ! J'ai passé toute la matinée étendu
sur l'herbe, devant ma maison, sous l'énorme platane qui la couvre,
l'abrite et l'ombrage tout entière. J'aime ce pays, et j'aime y vivre
parce que j'y ai mes racines, ces profondes et délicates racines, qui
attachent un homme à la terre où sont nés et morts ses aïeux, qui
l'attachent à ce qu'on pense et à ce qu'on mange, aux usages comme aux
nourritures, aux locutions locales, aux intonations des paysans, aux
odeurs du sol, des villages et de l'air lui-même.
J'aime ma maison où
j'ai grandi. De mes fenêtres, je vois la Seine qui coule, le long de
mon jardin, derrière la route, presque chez moi, la grande et large
Seine, qui va de Rouen au Havre, couverte de bateaux qui passent.
A
gauche, là-bas, Rouen, la vaste ville aux toits bleus, sous le peuple
pointu des clochers gothiques. Ils sont innombrables, frêles ou larges,
dominés par la flèche de fonte de la cathédrale, et pleins de cloches
qui sonnent dans l'air bleu des belles matinées, jetant jusqu'à moi leur
doux et lointain bourdonnement de fer, leur chant d'airain que la brise
m'apporte, tantôt plus fort et tantôt plus affaibli, suivant qu'elle
s'éveille ou s'assoupit.
Comme il faisait bon ce matin !
Vers onze
heures, un long convoi de navires, traînés par un remorqueur, gros
comme une mouche, et qui râlait de peine en vomissant une fumée épaisse,
défila devant ma grille.
Après deux goëlettes anglaises, dont le
pavillon rouge ondoyait sur le ciel, venait un superbe trois-mats
brésilien, tout blanc, admirablement propre et luisant. Je le saluai, je
ne sais pourquoi, tant ce navire me fit plaisir à voir.
Mon avis : Je ne l'avais pas relu depuis ma scolarité mais j'en avais gardé un très bon souvenir. Ecrit sous la forme d'un journal, on suit jour après jour la progression du mal de l'auteur. Paranoïa ou véritable possession ? Le doute est entretenu par l'auteur. Il s'agit d'une véritable introspection pour le protagoniste qui doute de lui-même également. D'autres faits divers le persuadent qu'il ne perd pas la raison, que ce qu'il vit est réel, jusqu'à le confronter lui-même à ses propres limites : incendier sa propre maison... n'est-il pas en train de sombrer malgré tout dans la folie ? « Je suis perdu. Quelqu'un possède mon âme et me gouverne... Je faisais semblant d'écrire, pour le tromper... et soudain, je sentis, je fus certain qu'il lisait par-dessus mon épaule... Je ne me vis pas dans la glace ! Elle était vide... mon image n'était pas dedans ».
Maupassant, comme dit plus haut, s'intéressait beaucoup aux maladies nerveuses et aux avancées de médecine à ce sujet. Tout simplement parce qu'il en souffrait lui-même. La nouvelle trouve une fin des plus tranchantes et laconiques après sa tentative avortée pour se débarrasser de son tortionnaire : «Il va donc falloir que je me tue, moi».
Maupassant meurt en 1893, après 18 mois d'hospitalisation et d'inconscience quasi permanente, un an après une tentative de suicide en se tranchant la gorge.
Pour aller plus loin : D'autres classiques tout aussi abordables peuvent vous rappeler cette veine fantastique comme la Venus d'Ile, le Tout d'Ecrou...
L'autre nouvelle de mon édition, l'Héritage, est également très plaisante à lire. Le style novellesque est tout à fait respecté par l'auteur : péripéties et fin abrupte. On se laisse prendre d'affection pour ces personnages hauts en couleur.
Lu dans le cadre du challenge : Les classiques, c'est fantastique
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