Le mur invisible, Marlen Haushofer

Le Mur invisible par Haushofer 

Résumé : Une femme dont on ne saura jamais le nom se retrouve prisonnière derrière un mur invisible à travers lequel elle aperçoit la maison voisine où un homme penché au-dessus d'une fontaine est probablement en train de boire et une femme assise sur un banc. Elle ne met pas longtemps à comprendre l'impensable, il n'y a plus de vie autour d'elle, ces voisins sont figés dans la mort, pétrifiés en pleine action comme les habitants de Pompéi. de ce que l'on suppose être une catastrophe nucléaire, on ne saura rien. Alors, de quoi parle ce livre ? de la survie, du partage avec un chat, un chien, une vache, ses seuls compagnons rescapés. Il faut apprendre à vivre avec ce qu'il y a, quelques provisions rapidement épuisées, faire face aux mille tracas quotidiens. Il faut apprendre à apprivoiser la solitude, la peur, la souffrance. Au fil des jours dont elle tient soigneusement le décompte sur un agenda on la suit dans ses journées, dans les soins qu'elle donne à ses animaux, dans ses balades avec Lynx, le chien fidèle qui sans cesse lui redonne espoir par un coup de langue ou un regard plein d'amour qui semble dire : Ne t'en fais pas, je suis là !

Quatrième de couverture : Voici le roman le plus célèbre et le plus émouvant de Marlen Haushofer, journal de bord d'une femme ordinaire, confrontée à une expérience - limite. Après une catastrophe planétaire, l'héroïne se retrouve seule dans un chalet en pleine forêt autrichienne, séparée du reste du monde par un mur invisible au-delà duquel toute vie semble s'être pétrifiée durant la nuit. Tel un moderne Robinson, elle organise sa survie en compagnie de quelques animaux familiers, prend en main son destin dans un combat quotidien contre la forêt, les intempéries et la maladie. Et ce qui aurait pu être un simple exercice de style sur un thème à la mode prend dès lors la dimension d'une aventure bouleversante où le labeur, la solitude et la peur constituent les conditions de l'expérience humaine.

Mon avis :   D'emblée le ton est donné et inverse l'ordre apparent du réel et de la fiction. Le récit se présente comme une bouteille à la mer dont on ne sait jamais si quelqu'un la découvrira.

Le récit n'apportera jamais d'explication sur ce mur et cette apocalypse soudaine : ils ne sont que les prétextes quasi symboliques d'une robinsonnade et d'une réflexion sur la condition humaine. Brutalement ramenée à ses besoins les plus fondamentaux, contrainte à un rude investissement physique pour assurer une survie assujettie à la nature, au rythme des saisons et à l'exploitation durable et raisonnée de ses ressources environnementales, cette femme va vite découvrir un nouvel ordre du monde, à des lieux de ses anciennes préoccupations désormais bien dérisoires, et où elle va expérimenter une forme de bonheur et d'harmonie inédits pour elle, libérée des contraintes du monde extérieur et plus précisément par la société des hommes. La narratrice n'y participe que si elle adopte le mode de vie des hommes, comme lorsqu'elle était mariée, comme sa cousine au début du roman. Elle n'a d'autre choix que de tuer le seul homme encore vivant qui est forcément maléfique, livré à lui-même. Le rapport de force est inversé et le monde animal devient avant tout féminin.

C'est une lecture qui ne vous laissera pas indifférent. La simplicité du texte et de l'intrigue est tout aussi touchante. A l'instar de ce mur invisible, le style est limpide, transparent. Ce n'est pas un livre d'action, il ne s'y passe pas grand chose, mais bien un livre intérieur, un cheminement, une réflexion sur l'Humanité au moment même où les craintes d'une guerre nucléaire remettent en cause le mode de vie d'une course à la surconsommation. La fin n'est pas tranchée, l'héroïne n'a plus de papier pour nous livrer son récit. Pas de début et pas de fin tranchée. La pensée du livre nous suivra donc après la dernière page.  En renouant avec un art de la culture paysanne de la terre dans un monde où la technologie n’a plus court (pas de téléphone, plus de radio, plus d’électricité, plus de voiture) afin de survivre un minimum, la narratrice arbore de plus en plus une pensée animale, n’ayant plus alors de comparatif humain auquel se mesurer. Ce sont d’abord les rêves étranges qui viennent, souvenir d’un passé pas si lointain. Puis bientôt la fièvre, les visions, des cauchemars voire une fatigue extrême et la dépression. L’une des scènes les plus significatives et douloureuses d’une perte inévitable et toujours reniée est un rêve où la narratrice entend de la musique dans une pièce très lumineuse et comprend plus que tout, plus que la perte d’être chers même, que c’est le monde qu’elle aimait qui a disparu définitivement. Car même la musique n’existe plus ici. Le monde humain est mort.

Bien évidemment, la nature est omniprésente. Sous l'égide de la déesse nourricière, la vache, dont dépend la survie de tous. Ici seuls les personnages féminins survivent : l'héroïne, la vache et la vieille chatte.

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