Les belles endormies, Yasunari Kawabata

Les Belles Endormies par Kawabata 

Quatrième de couverture : Dans quel monde entrait le vieil Eguchi lorsqu’il franchit le seuil des Belles Endormies ?
Ce roman, publié en 1961, décrit la quête des vieillards en mal de plaisirs. Dans une mystérieuse demeure, ils viennent passer une nuit aux côtés d’adolescentes endormies sous l’effet de puissants narcotiques. Pour Eguchi, ces nuits passées dans la chambre des voluptés lui permettront de se ressouvenir des femmes de sa jeunesse, et de se plonger dans de longues méditations. Pour atteindre, qui sait ? au seuil de la mort, à la douceur de l’enfance et au pardon de ses fautes.

Mon avis : Tout le monde ne peut pas lire ce livre. L'histoire même du roman peut paraître bizarre, voire devenir sujet de dégoût. C'est une histoire au limite de l'atroce. Mais comme nous ont appris les grands écrivains ; il n'y a pas de mauvais ou bon sujet en littérature, l'écrivain artiste doit savoir comment le présenter au lecteur. Kawabata, Prix Nobel de littérature, a réussi à retranscrire la beauté des sentiments à travers des scènes qui aujourd'hui feraient scandale.Il n'y a là rien de vulgaire mais le thème se rapproche du viol et plus particulièrement celui de jeunes filles, voire de très jeunes adolescentes. La couleur rouge, omniprésente, n'est pas sans rappeler la virginité de ces jeunes filles. Je vous rassure, il n'y a absolument rien de sexuel dans ces relations. Sans être jamais à proprement parler érotique le regard très intense porté sur le corps singulier de chacune de ces femmes, l'évocation toute en finesse des sentiments de ce vieillard reste assez innocente. Mais à travers l'hommage à la beauté des femmes, je crois aussi qu'il est question de pouvoir dans ce roman : en partant de l'impuissance de la vieillesse, il est question du pouvoir sur plus faible que soi. Mais rien n'est aussi simple.

L'écriture du texte est très belle, l'auteur s'interroge sur le sens de la vie de manière très poétique en partant de la beauté de ces jeunes femmes qui ravivent les souvenirs d'un vieillard et surtout de ses plaisirs. Le sommeil proche de la mort reprend le topos de la littérature rapprochant Eros de Danathos bien qu'ici il ne soit pas vraiment question d'amour mais plutôt de désir. Bien évidemment, nous retrouvons également des références au mythe d'Orphée. D'ailleurs, les conditions posées des rencontres ressemblent presque à celles d'un conte : les jeunes filles ne doivent absolument rien connaître des vieillards avec qui elles ont passé la nuit et à leur réveil, ils doivent être partis sinon, le contrat-charme serait rompu. Ce livre invite à la réflexion, à la manière des clients dans cette chambre sont invités à la suggestion. Rien n'est factuel, tout est dans les sens et l'intellect. Kawabata met également en lumière la solitude des seniors, cachés par la société et qui n'ont plus le droit d'être vivants ou humains en recherchant leur propre plaisir. Een montrant de jeunes femmes soumises aux désirs de vieillards choque donc tout un corpus de valeurs mais aussi de représentations occidentales du monde. Implicitement un être âgé ne devrait plus avoir de sexualité ni même de désirs. S'il en ressent ces désirs doivent être « normaux » voire largement dénués de pulsions, presque aseptisés. Surtout son statut hautement dévalorisé doit absolument lui interdire de désirer un être jeune. Sinon il ne peut être que répugnant, pervers et à rejeter. 

La littérature nous offre de beaux exemples de romans qui nous mettent mal à l'aise, qui nous font réfléchir sur qui nous sommes et comment nous voyons ce qui nous entoure. Et celui-ci en est la parfaite illustration.

Lu dans le cadre du challenge : Les classiques, c'est fantastique

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