Moderato Cantabilie, Marguerite Duras

Moderato cantabile par Duras 

Résumé : Une intrigue minimaliste, peu de personnages, un mystère qui reste entier et des non-dits chargés de sens et d'émotions... Voilà un roman aux tonalités particulières. Marguerite Duras orchestre parfaitement la rencontre entre ces deux âmes esseulées que sont Anne et Chauvin, ces deux coeurs qui battent la chamade en discordance. L'auteur chuchote les mots plus qu'elle ne les clame. L'on devine, l'on suppose, l'on attend ce qui va se jouer entre eux dans ce bar.

Quatrième de couverture :  " Qu'est-ce que ça veut dire, moderato cantabile ?
- Je ne sais pas. "
Une leçon de piano, un enfant obstiné, une mère aimante, pas de plus simple expression de la vie tranquille d'une ville de province.
Mais un cri soudain vient déchirer la trame, révélant sous la retenue de ce récit d'apparence classique une tension qui va croissant dans le silence jusqu'au paroxysme final.
" Quand même, dit Anne Desbarèdes, tu pourrais t'en souvenir une fois pour toutes. Moderato, ça veut dire modéré, et cantabile, ça veut dire chantant, c'est facile. "

Mon avis : C'est ce qu'on appelle le nouveau roman. Chaque phrase est chargée de non dit. On aime ou on n'aime pas. Ici se pose la question de l'influence des autres sur notre propre destin ? Si ce fait divers à l'ouverture du roman n'avait pas eu lieu, Anne aurait-elle continuer sa vie dans l'indifférence ? Malgré qu'il soit très court, ce roman n'a pas une seule phrase de claire, c'est au lecteur de tout interpréter. Et en même temps, les phrases sont lapidaires, courtes et limpides. Ici, ce qui se passe n'est pas dit et ce qui est dit n'est pas forcément ce qui se passe. Des dialogues entre Anne et Chauvin, il ressort un malêtre, le désarroi d'une femme, un désir de communiquer, plus facile avec un inconnu et avec l'aide du vin. La fascination du crime dont elle a été quasiment témoin agit comme un détonateur dans la vie d'Anne. On ne peut que se demander si après avoir vaguement touché à la mort, elle ne supporte plus la vacuité de son existence, la superficialité de sa vie mondaine et finalement, la vacuité de sa propre personne qui n'est qu'une coquille vide. Happée par le parallèle entre Anne et cette victime anonyme, je m'attendais à une fin toute aussi tragique que celle observée depuis la leçon de piano. Duras nous étonne encore une fois, préférant la fuite à la chute prévisible. On croirait qu'elle fuit l'explication, à la dernière page, refusant de nous livrer la clé. On reste avec nos questions, tentant d'interpréter les non-dits : Pourquoi Anne se prend-t-elle soudainement d'intérêt pour le destin de cette femme ? Que cherche-t-elle à travers la compréhension de ce crime passionnel ? Visiblement le même destin, rétorquant à Chauvin « C'est fait » lorsque celui-ci lance qu'il voudrait qu'elle soit déjà morte... On ne peut qu'établir un parallèle entre les deux couples mais qui ne sont pas parfaitement symétriques...

Pour aller plus loin : Moderato cantabile c'est comme souvent avec Marguerite Duras une ambiance très particulière, une incursion dans un décor qu'imaginaire très cinématographique, avec le charme des films des années cinquante, un peu désuet dans le jeu des acteurs ou du cadrage, mais terriblement envoutant. À noter que ce roman a été adapté au cinéma, deux ans après sa parution, avec Jeanne Moreau et Jean-Paul Belmondo.

Lu dans le cadre du challenge : Les classiques, c'est fantastique

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