Le Decameron, Boccace
Résumé : Le
Decameron réunit un ensemble de cent nouvelles, le titre dérive du grec
et signifie "dix journées". La structure est élaborée : durant une
épidémie de peste, dix jeunes (sept jeunes femmes et trois jeunes
hommes) se rendent dans une villa en dehors de Florence, et pour passer
le temps de manière agréable, chacun à son tour raconte une histoire, et
cela durant dix jours. Chaque jour est consacré à un thème différent.
Chaque jour un roi ou une reine, élu, organise la journée et choisit
l'argument du jour.
Boccace met en scène ses centres d'intérêt fondamentaux : la chance, la
nature, l'amour, l'érotisme, l'ingéniosité humaine. Deux grandes classes
sociales y sont représentées : d'un côté la nouvelle classe des
marchands, de l'autre le monde de l'aristocratie.
Mon avis : Oeuvre extrêmement célèbre, une des oeuvres fondatrices de la littérature italienne et européenne, le Decameron a été écrit entre 1349 et 1353. Nous sommes à Florence en 1348, pendant la période terrible de la grande peste, qui s'abat sur l'Italie, et sur Florence. Dans un premier temps, nous avons la description de cette période d'horreur dans la ville ; la peste provoque la mort, le désordre social, la décomposition morale. Une sorte d'enfer sur terre, où l'homme est confronté à toutes les misères et terreurs, et où les plus mauvais penchants de la nature humaine s'expriment ; où la vanité de l'existence humaine, des aspirations et désirs sont mis en évidence. Un groupe de jeunes gens se réfugie à la campagne, une campagne idyllique, une sorte de paradis terrestre, par opposition au terrible tableau de la ville. Là, dans ce cadre enchanteur, nos jeunes gens vont s'adonner à des activités nobles, raffinées, et pour faire passer le temps d'une manière encore plus agréable, vont raconter des histoires. Boccace a puisé dans de très nombreuses sources pour ces histoires : dans des recueils d'anecdotes historiques, dans des contes, dans La légende dorée, dans des comédies de Plaute et de Térence, des vidas de troubadours, des fabliaux français etc. Mais il ne s'agit que rarement de reprendre fidèlement une trame originelle : Boccace reprend une situation, un motif, qu'il réécrit à sa manière, s'emparant complètement de son matériel d'origine pour en faire une création originale.
Les
récits présentent des personnages, d'origines diverses (mêmes si les
personnages florentins sont les plus nombreux), de toutes conditions
sociales ; rois et sultans, pauvres paysans et ouvriers, mais les
personnages les plus présents sont les membres de la nouvelle bourgeoisie montante, les marchands, qui sont la nouvelle classe dirigeante des cités. Le génie de la classe des marchands se manifeste par sa capacité à
profiter de l'occasion pour retourner à son avantage une situation qui
paraissait désespérée. Même
si la religion est forcément présente, avec par exemple, les
personnages de prêtres, de moines, de religieuses, il ne s'agit au final
que d'hommes et de femmes comme les autres, avec les mêmes désirs,
aspirations, vertus et vices. La crainte du péché, le soucis de salut,
ne sont pas vraiment une grande préoccupation pour les personnages. Il
s'agirait presque d'une vision laïque du monde, dans laquelle la
religion est plus une tradition, un discours un peu convenu, qu'une
inspiration, un guide pour la conduite. Ce qui guide l'homme et la femme chez Boccace, c'est beaucoup plus la nature, et en premier lieu l'élan
des sens ; le méconnaître est une sorte de perversion, d'où naissent au
final les vices et la bestialité. Ainsi, le plus grand défaut des dames
est d'être cruelles à leurs soupirants, et celui des hommes, d'être
jaloux. Les différentes nouvelles
sont dans des registres très différents, du récit comique, grivois,
élégiaque, drôlatique, tragique… Avec des niveaux de langage, des
techniques narratives très diverses.
Il s'agit d'un livre ancré dans la
culture de son époque, mais aussi en dehors du temps, et presque de
l'espace, créant dans un lieu idéal, par le langage et le verbe, l'image
d'une société libre. Derrière le divertissement des contes se cache donc une satire de la société mais également un modèle à suivre. Ce guide illustré parvient même à être plaisant pour le lecteur, si toutefois on ne se lance pas dans la lecture de cette oeuvre monumentale d'un trait. Je recommande donc de lire une journée de temps en temps afin de ne pas se lasser et d'apprécier toute l'astuce de l'auteur.
Pour aller plus loin : Boccace sera source d'inspiration aussi bien pour les contes que pour les fables de nombreux auteurs, ses histoires seront reprises et réécrites par d'autres : La Fontaine, Chaucer, Shakespeare, Perrault, Musset, Lope de Vega, Pasolini, et beaucoup d'autres.
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