Contre Céline ou d'une gêne persistante, Jean-Pierre Martin

 Contre Céline - Ou D'une Gêne Persistante   de jean-pierre martin  Format Poche 

Résumé :  Jean-Pierre Martin montre implacablement comment Céline indiqua lui-même à ses lecteurs hypnotisés comment il fallait le défendre : au nom du style. Comment il ne cessa jamais de louanger sa propre "musique", son "art inimitable"... Comment, sous couvert de sacro-sainte esthétique littéraire, Céline ne cesse de créer entre lui et son lecteur un "espace restreint mais privilégié d'intimité-publicité [...] où le trafic des mots et des idées peut se faire en toute impunité".
Et quels mots, quelles idées ! Une fois mis à part le Voyage, Martin montre à quel point la quasi-totalité de l'œuvre est parfaitement étrangère au roman. Céline au fond, n'écrit pas de roman mais des pamphlets. Et la colonne vertébrale de cette accumulation d'imprécations, c'est le racisme biologique. Où est la musique, où est l'intention verbale ? demande Jean-Pierre Martin. Revenons au style, et aux fameux trois points.
Martin déchire le voile une bonne fois pour toutes. Chez Céline, les trois points ne sont pas si importants que ça. Ce qui a le plus de sens, dans son œuvre, c'est le trait d'union. Le livre de Jean-Pierre Martin est précieux, passionnant et très instructif. Tous les pièges grossiers que Céline a tendus à la critique littéraire ont fonctionné.

Mon avis : Je n'ai pas aimé le préambule. Etait-il besoin de ce ton délibérément provocateur pour évoquer un sujet déjà en lui-même polémique ? Etait-ce une volonté délibérée de faire parler de lui à la manière de Céline et de reproduire ce qui était dénoncé dans sa thèse ? Et puis finalement, l'auteur explique justement sa thèse : il s'insurge contre la critique littéraire des années 1990 qui encense l'écrivain Céline faisant abstraction de l'homme et de son idéologie. Il s'explique : tout est clairement dit dans les Pamphlets et les ouvrages successifs, dont les derniers romans autobiographiques.

Céline se pose en victime de la critique contemporaine qui n'a pas su le comprendre, qui le censure, qui a mal compris ses propos, qui ne remet pas les choses dans leur contexte. Il dénonce la France "bienpensante" qui se scandalise pour un rien... Tout d'abord, Céline dit nous laisser un témoignage, une trace quasi journalistique parce que lui, il y était, il a vécu l'Histoire. Non pas les camps ou l'Allemagne nazie, mais dans la France "collabo". Puis il se justifie par le manque de recul, l'ignorance. Se cacher derrière cette ignorance, c'est justifier l'ignominie. Délibérément antisémites et racistes, ses propos sont finalement salués pour sa prose et son talent littéraire. Jean-Pierre Martin soulève ici une question : doit-on séparer l'oeuvre de l'auteur ? Le propos est éminemment politique, non sans faire un parallèle avec la montée du FN dans la fin des années 1990 puis 2010. Le parti Celiniste le défend par une différenciation entre la parole et le passage à l'acte puisque finalement Céline n'a rien fait de mal, lui. Mais en réalité, écrire, c'est déjà agir, c'est se faire le porte-voix d'une pensée et la propager à ses lecteurs. Puisqu'il prêche notamment l'extermination des juifs, tout lecteur anti-raciste peut-il adhérer à l'oeuvre ?

Pour aller plus loin : La question reste d'actualité puisque nous sommes toujours en ces temps plus que jamais confrontés à la montée des extrêmes. Mais pour ouvrir la discussion à d'autres domaines, ne pourrait-on pas rappeler la polémique déclenchée lors du dernier film de Polanski ? Doit-on soutenir l'oeuvre talentueuse en faisant abstraction de la nature d'un homme controversé ? Connaîtrait-on les oeuvres de Wagner et de combien d'autres si on avait pensé ainsi ?

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