Kaputt, Malaparte

Quatrième de couverture : Le lac était comme une immense plaque de marbre blanc sur laquelle
étaient posées des centaines et des centaines de têtes de chevaux. Les
têtes semblaient coupées net au couperet. Seules, elles émergeaient de
la croûte de glace. Toutes les têtes étaient tournées vers le rivage.
Dans les yeux dilatés on voyait encore briller la terreur comme une
flamme blanche. Près du rivage, un enchevêtrement de chevaux férocement
cabrés émergeait de la prison de glace... Les soldats du colonel
Merikallio descendaient au lac et s'asseyaient sur les têtes des
chevaux. On eût dit les chevaux de bois d'un carrousel.
Mon avis : L'histoire se déroule débute en 1941 et se termine en 1943 à Naples. Avec ce roman autobiographique publié en 1944, Malaparte
offre l'occasion d'évoquer les relations assez particulières de la
Roumanie et de l'Italie. Ici il nous livre un autre pan de la seconde
guerre mondiale en relatant ce qu'il a pu voir en Europe de l'Est. Est-ce
un roman ? Un témoignage ou une affabulation ? Kaputt est un abîme
bouleversant et putréfié d’où sortent des rêves hallucinés, des visions
spectrales et parfois sublimes, le récit du naufrage de l’humanité, de
l’horreur de cette guerre qui semble être un hiver éternel dans les
terres de Russie, de Pologne, d’Ukraine, de Roumanie et de Finlande. Kaputt
fait coexister l’horreur immonde et la terreur des ghettos et des
massacres avec la beauté charnelle ou froide des paysages du nord, les
dîners luxueux envahis par la putréfaction des dirigeants allemands et
de leurs alliés, les diners de l’aristocratie étiolée et humiliée –
spectacles décrits avec la sensibilité et le réalisme de toiles de
Chardin, ou avec la dimension funèbre de toiles de Cranach.
Toujours très dur dans le choix des épisodes qu'il raconte, j'ai été particulièrement touchée par l'épisode très connu du progrom de Jassy et la violence crue qui y est racontée sans aucun philtre. L’expérience de la guerre et de la barbarie poussée à son point ultime dans une oeuvre que j'ai trouvée plus difficile à lire que ses autres romans.
Un autre aspect de ce livre : ses évocations mondaines, la fréquentation du
comte Galeazzo, du prince de Suède, des réceptions de Hans Frank,
gouverneur général de Pologne, où le contraste est le plus marquant
entre un homme qui donne tous les aspects de la civilisation, voire
d'une culture raffinée, et l'indigence du ghetto de Varsovie. La
seule question que l'on peut se poser est la suivante : où se situe la
frontière entre la réalité et la fiction. Les descriptions nous semblent
si vraisemblables qu'il est impossible de répondre à cette question. Et on aimerait que la majeure partie du récit soit fictive.

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