Couleurs de l'incendie, Pierre Lemaitre

Couleurs de l'incendieRésumé : Cette fois, s’en est fini de la Grande Guerre, et de l’escroquerie aux Monuments aux morts montée par les poilus Edouard Péricourt et Albert Maillard. Le deuxième tome de cette trilogie s’ouvre par l’enterrement du banquier Marcel Péricourt en grande pompe en février 1927 en présence du chef de l’Etat. Comme Edouard, le fils, s’est suicidé, c’est sa fille Madeleine qui mène le deuil et qui prend la tête de l’empire financier. 
Alors que la dépouille de Marcel Péricourt sort de la maison, Paul, le fils de Madeleine, 7 ans, se jette par la fenêtre et se retrouve sur le cercueil de son grand-père. C’est charmant ! Et c’est le début d’un roman de 500 pages sur les années 1920-1930 où Madeleine Péricourt va connaître la ruine, le déclin, le déclassement avant de reconstruire sa vie.

Quatrième de couverture : Février 1927. Le Tout-Paris assiste aux obsèques de Marcel Péricourt. Sa fille, Madeleine, doit prendre la tête de l'empire financier dont elle est l'héritière, mais le destin en décide autrement. Son fils, Paul, d'un geste inattendu et tragique, va placer Madeleine sur le chemin de la ruine et du déclassement.
Face à l'adversité des hommes, à la cupidité de son époque, à la corruption de son milieu et à l'ambition de son entourage, Madeleine devra déployer des trésors d'intelligence, d'énergie mais aussi de machiavélisme pour survivre et reconstruire sa vie. Tâche d'autant plus difficile dans une France qui observe, impuissante, les premières couleurs de l'incendie qui va ravager l'Europe.
Couleurs de l'incendie est le deuxième volet de la trilogie inaugurée avec Au revoir là-haut, prix Goncourt 2013, où l'on retrouve l'extraordinaire talent de Pierre Lemaitre.

Mon avis : Comme son grand frère, le livre peut faire peur avec ses quelques 500 pages, mais je vous assure qu'il se lit vraiment très facilement. Encore une fois, nous sommes directement plongés dans cette famille Péricourt et dont le talent de l'auteur parvient à nous faire vivre à travers ces personnages, toute une époque, souvent oubliée. Bien que le sujet est tout autre, la trame se profile de la même façon : un Péricourt que l'on suit de la déchéance à la revanche sur la vie (sans tout vous dévoiler de l'intrigue). Là encore, à travers le roman se cache également une âpre critique contemporaine : réquisitoire envers l'administration, les turpitudes opportunistes de la société d'après-guerre, l'économie si naïve avec sa confiance dans les banques, les investissements hasardeux... Ca ne vous rappelle rien ? Encore une fois, on ne peut que saluer la vraisemblance de toutes les descriptions et l'excellent travail de documentation de l'auteur. Pierre Lemaître a un sens de l’ironie cynique que les amateurs d'humour noir apprécieront en filigrane. Cela marche très bien comme avec les filles du frère du banquier dont il décrit la dentition, puis explique que ça va être très compliqué à marier sans dot, tellement elles ont des dents affreuses. La grande et la petite histoire se confondent dans le sens du détail. Honnêtement, ça se lit, ça se dévore, même.
Au centre du récit, Madeleine, personnage plus effacé du premier tome alors que celui-ci laisse une bonne place aux personnages féminins et une psychologie davantage étudiée, des personnages hauts en couleurs, la belle Léonce, l'extravagante cantatrice Solange et Vladi la nurse polonaise à la sexualité débridée et la loyauté infaillible.
Cette fresque romanesque est aussi la chronique de l'entre-deux-guerres, la crise des années 30, l'affirmation du capitalisme, la montée du fascisme, la vague nazie qui s'apprête à submerger l'Europe (le titre vient de là), toute la complexité de ce temps est formidablement rendue. Au contexte historique passionnant, ce deuxième volet, aussi vif que profond, aussi sombre que lumineux, se révèle haletant et captivant de bout en bout.

Détail de la couverture des Couleurs de l'incendie de Pierre Lemaître

Pour aller plus loin : La crise économique des années 1930 et le désintéressement des banques pour le pétrole a une incroyable raisonnante moderne, laissant sur le carreaux de vieilles familles fortunées mais également qui rencontre un écho pour les ouvriers. On ne peut que penser aux gilets jaunes, à la flambée du prix de l'essence et à de nombreux sujets d'actualité. Pierre Lemaitre a réussi à transposer ces problèmes dans cette atmosphère rétro et que je connais mal, un monde sur le déclin qui s'apprête à sombrer dans une autre guerre. Je n'ai qu'une seule hâte, c'est de lire le troisième tome de cette trilogie. Il y a fort à parier que le troisième et dernier volume sera sur 1939-1945, période qui me fascine. 

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