La mort de Danton, Georg Büchner

La Mort de Danton ; Léonce et Léna ; Woyzeck ; Lenz 

Résumé : La Mort de Danton n'est pas seulement un drame historique. C'est l'histoire d'hommes et de femmes emportés par une révolution qu'ils ne maîtrisent plus. Danton préfère mourir, entraînant ses amis avec lui, plutôt que de continuer à se battre pour une cause désormais placée sous le signe de la Terreur : "Je préfère être guillotiné que guillotineur."

Georg Büchner trouve la trame de sa pièce dans l'Histoire de la Révolution française de Thiers qu'il cite abondamment, parfois littéralement. Les principaux épisodes des derniers jours de Danton par l'historien français donnent chacun lieu à une scène. Il a aussi emprunté à d'autres textes des anecdotes, des faits, des bribes de phrases. Mais c'est avec Shakespeare qu'il rivalise pour la structure générale de son drame. Dans les dernières scènes, la pièce se détache de l'appareil des citations historiques pour prendre une dimension cosmique et tragique, faisant voisiner le stoïcisme des uns avec la folie et la peur de la mort des autres.

1835 : Danton le tribun est épuisé par deux années de révolution qui l'ont vu combattre à l'assemblée nationale les partisans d'une dictature populaire armée. Mais les mots ne peuvent plus rien contre la guillotine dressée comme un instrument d'épuration par Robespierre et ses amis. La terreur noie les idéaux de l'an 1 dans un bain de sang qui s'étend de la conciergerie à la place de la révolution. Alors que ses camarades le pressent de se pourvoir encore une fois contre l'incorruptible, lui décide de laisser faire l'indicible préférant suivant ses mots "être guillotiné que guillotineur". Ce texte sous forme de pièce de théâtre avait la force d'un manifeste, il actait la détermination d'un homme bien décidé à donner une belle mort à l'histoire de France. Mais cette désinvolture devant l'impossible n'était pas partagée par l'ensemble de ses coreligionnaires. Car ce drame qui mélangeait exaltation et résignation épongeait l'esprit de quelques hommes désemparés devant leur mort prochaine. Georg Buchner qui s'était beaucoup inspiré de la littérature historique française pour écrire sa pièce incorporait nombre d'anonymes à sa trame la rendant ainsi plus abordable et authentique. L'écrivain allemand avait compris que le peuple était dépositaire de cette révolution qui se nourrissait des besoins sanglants de la populace. Malgré les massacres incessants et les innocents de plus en plus nombreux à être culbutés dans la tombe, la foule était toujours aussi fournie au passage des tombereaux remplis de condamnés et peu lui importait que les héros d'hier soient les sacrifiés d'aujourd'hui. Rien ne pouvait sauver les Danton, Lacroix ou Camille Desmoulins, même pas l'amour de leurs compagnes qui mourront pour la plupart sur l'échafaud à la suite de leurs illustres conjoints.

Mon avis : Si la Révolution a très souvent été évoquée en littérature ou au cinéma, l'auteur a choisi ici un aspect peu connu de la Terreur, à savoir, l'affrontement entre Danton et Robespierre, jadis alliés. Il ne s'agit pas d'une pièce à lire en deux heures top chrono. Le genre théâtral, l'auteur allemand, le foisonnement des détails, des références historiques et contemporaines me laissent présager qu'un bon nombre de choses m'ont échapper. Malheureusement, c'est une période sombre de l'Histoire de France que je connais mal et la fiction ne m'a pas beaucoup éclairée. En effet, elle laisse imaginer ce qu'a pu être les états d'âme de Danton et de Robespierre en fonction de leurs caractères respectifs. Toutefois, ici, l'ouvrage est résolument de philosophie platonicienne en posant de nombreuses définitions ou du moins tente de définir ce qu'est la vertu et la meilleure façon de s'y conformer. Chacun, en son for intérieur, exprime son point de vue et gravite selon sa conscience morale. Aussi, il s'agit d'une pièce très intéressante, par le choix même du sujet, peu banal pour une pièce de théâtre, surtout quand on pense qu'elle a été écrite seulement quarante ans après les faits et par un Allemand : Büchner montre une solide connaissance de la Révolution et se concentre sur des faits qui ne sont pas les plus connus de ces années là... Du point de vue stylistique, s'il s'agit bel et bien d'un drame, quelques passages burlesques sont à souligner, spécialité de l'auteur, mas qui ne font que souligner l'absurdité de la violence et de la mort. L'auteur projette dans la pièce ses propres inquiétudes et angoisses sur l'action révolutionnaire, lui qui fut militant et persécuté pour cela.

Pour aller plus loin : C'était une porte d'entrée dans le corpus de Büchner et mon édition comportant également Léonce et Léna, l'oeuvre la plus connue, il est fort probable que je m'y attaque prochainement.

Lu dans le cadre du challenge : Les classiques, c'est fantastique

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